lundi 7 avril 2014

Les électrons existent-ils ? (1/2) Réalisme et sous-détermination

Les électrons, les photons, les molécules et les réactions chimiques, les gènes et les protéines, enfin, les objets des sciences en général, existent-ils réellement ?

Myoglobin
Drôle de question n'est-ce pas ?

C'est que nous sommes naturellement portés à être réalistes. Être réaliste, au sens philosophique, c'est croire que nos représentations décrivent correctement la réalité. Et la réalité, c'est ce qui est indépendant de l'esprit ou de nos façons de concevoir les choses : ce qui continue d'exister quand nous cessons d'y penser.

La question du jour est donc celle-ci : nos théories scientifiques décrivent-elles correctement la réalité ? Il s'agit d'une question centrale en philosophie des sciences : la question du réalisme scientifique.

S'il s'agit d'une attitude de sens commun que de croire que les théories scientifiques décrivent la réalité -- il suffit de lire quelques manuels scolaires pour s'en convaincre -- il a pourtant existé dans l'histoire de la philosophie plusieurs doctrines influentes s'opposant à cette idée. Commençons donc par les passer en revue (attention : risque d'overdose de "ismes" !).

Les différentes formes d'anti-réalisme

Nous allons voir qu'il existe principalement trois façons d'être anti-réaliste.

La première, et la plus radicale, est d'affirmer que la réalité n'existe pas. Tout simplement. Nos représentations sont mentales, et nous n'avons jamais l'occasion de sortir de notre tête pour vérifier qu'il y a bien, là derrière, une réalité. Se pourrait-il alors que tout ce qui existe soit mental ? Que tout ne soit que représentation ?

C'est la voie suivie par les idéalistes. On retrouve ce type de thèse dans la philosophie antique indienne, et l'idéalisme était très influent au début du 19ème siècle en Allemagne.

Raja Ravi Varma - Sankaracharya
Une variante plus nuancée se trouve dans la philosophie de Kant : pour Kant, s'il peut exister une "réalité en soi", elle nous est par principe inaccessible car nous n'accédons jamais qu'à la réalité mise en forme par notre entendement, et il nous est impossible de penser ou percevoir sans cette mise en forme préalable.

On le voit, il s'agit d'un anti-réalisme qui concerne toute représentation, pas seulement les théories scientifiques.

L'idéalisme est relativement passé de mode : il a cédé la place à un regain du matérialisme au 19ème siècle, qu'on peut sans doute attribuer au succès des sciences. Cependant il existe toujours aujourd'hui des représentants de la philosophie de Kant, et on peut penser que certaines thèses visant à relativiser la notion de vérité dans les sciences, ou à faire des théories scientifiques des constructions sociales, se situent dans cette lignée. Selon ces thèses, les électrons ne seraient donc finalement que des représentations mentales et rien de plus.

Une deuxième façon d'être anti-réaliste est d'affirmer que nos théories scientifiques n'ont pas vocation à décrire la réalité. Il s'agirait plutôt d'outils prédictifs, d'instruments. En effet on peut faire valoir que la connaissance est issue de l'expérience, de ce qui est observable, et donc il n'y a pas de raison de penser que nos théories portent sur autre chose que ces observations : elles ordonnent les phénomènes, en décrivent les régularités, notamment en vue de faire des prédictions. Nos théories sont utiles plutôt que vraies.

C'est la voie suivie par l'instrumentalisme, qu'on peut associer à l'empirisme en général (c'est à dire l'idée que toute connaissance est issue de l'expérience) : celui de Hume au 18ème siècle, et l'empirisme logique, qui était très influent au milieu du 20ème siècle.

Là où l'idéalisme était une thèse portant sur la nature de la réalité, il s'agit plutôt ici d'une thèse qui porte sur la signification des énoncés théoriques. Un instrumentaliste pourra par exemple affirmer que l'électron ne désigne pas une véritable entité de la réalité, mais plutôt qu'il s'agit d'un concept auquel on peut faire correspondre certaines manipulations en laboratoire et certaines attentes concernant les résultats de ces manipulations.

Nous avions vu dans un article consacré que l'empirisme logique a connu des difficultés, notamment liées à l'instrumentalisme, qui ont amené à son abandon : les entités théoriques comme les électrons ne semblent pas se ramener à de simples opérations de laboratoire, elles semblent jouer un rôle plus important (par exemple un rôle explicatif). Suite à ces difficultés, la fin du 20ème siècle a connu un certain regain de la position réaliste en philosophie, et on pense généralement aujourd'hui que les théories scientifiques ont une fonction de représentation de la réalité, même quand elles portent sur des choses inobservables, qu'il faut donc les interpréter littéralement.

Mais il existe une troisième forme d'anti-réalisme, plus faible, qui ne rencontre pas les mêmes difficultés que l'instrumentalisme. Elle consiste à accepter que nos théories scientifiques ont pour vocation de décrire la réalité, mais à rester sceptique quant au fait qu'elles y parviennent, c'est à dire qu'elles soient vraies. Si on peut vérifier qu'elles sont empiriquement adéquates, il nous est impossible de savoir si les entités inobservables qu'elles postulent, comme les électrons, existent réellement : finalement il se pourrait bien qu'il existe des théories alternatives qui rendent compte aussi bien des mêmes phénomènes observables mais qui postulent des entités totalement différentes... On devrait donc se contenter de l'adéquation empirique et rester agnostique vis-à-vis du réalisme.

Cette position est aujourd'hui défendue par Van Fraassen, qui l'a baptisée "l'empirisme constructif". Il s'agit alors d'une thèse épistémique, c'est à dire qui porte sur nos possibilités de connaissance, et non pas sur la signification des théories ou sur la nature de la réalité. Toute la question est de savoir s'il est réellement possible de connaître la réalité, c'est à dire si nos représentations sont justes, si nos théories sont vraies, au delà du fait qu'elles rendent correctement compte des phénomènes. Pourquoi devrait-on le penser ?

Avant de s'attaquer à cette question et d'examiner les arguments qui motivent ou mettent en difficulté le réalisme, on peut, pour conclure cette brève revue historique, observer que le réalisme scientifique se résume en trois thèses distinctes auxquelles correspondent respectivement les trois formes d'anti-réalisme que nous venons de présenter :

  • l'idée que la réalité existe (thèse métaphysique),
  • l'idée que nos théories ont pour vocation de décrire la réalité (thèse sémantique),
  • l'idée qu'il nous est possible, par l'expérience, de savoir que nos théories sont vraies, ou au moins approximativement vraies (thèse épistémique).

Être réaliste, c'est adopter ces trois thèses.

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Pourquoi être réaliste ?

Voyons maintenant ce qui peut motiver le réalisme, ou inversement l'anti-réalisme.

La principale raison d'être réaliste, c'est que la science, ça marche. Mais comment préciser cette idée ? Après tout un instrumentaliste pense aussi que la science, ça marche : nous parvenons à décrire correctement les régularités des phénomènes. Pour autant, ça ne veut pas dire que les électrons existent "réellement". Il faut donc en dire un peu plus : passer de la simple adéquation empirique à la vérité, notamment en ce qui concerne la description d'entités qui ne sont pas directement observables, comme les électrons, les molécules ou les processus chimiques.

Ce qui peut nous convaincre que nous ne faisons pas que décrire les régularités superficielles des phénomènes, ce sont les cas où les théories permettent de faire des prédictions nouvelles et inattendues. Synthétiser les observations issues des expériences passées est une choses. En faire de nouvelles en est une autre. Or il se trouve que la plupart des théories aujourd'hui acceptées nous ont permis de faire de nouvelles prédictions.

On peut prendre, par exemple, la relativité générale. Cette théorie prédisait que la lumière serait déviée par les corps massifs. On pensait, avant, que la lumière se déplaçait toujours en ligne droite dans le vide. Il ne s'agissait donc pas d'un phénomène connu au moment où Einstein a élaboré la théorie. Or cette prédiction s'est vérifiée (on a observé une modification de la position apparente des étoiles derrière le soleil lors d'une éclipse).

Un autre exemple est la découverte des positrons : ceux-ci ont d'abord été postulés comme conséquence de la théorie quantique (ils correspondent à une solution des équations de la théorie qui n'avait pas d'équivalent empirique à l'époque). Ils ont été observés, mais seulement après qu'on ait envisagé leur existence, sur la base d'un raisonnement purement théorique.

Les exemples sont très nombreux, mais donnons-en un dernier : la théorie de l'évolution de Darwin, qui a été confirmée ensuite par de nombreuses observations, comme des découvertes de fossiles ou des expériences sur les bactéries. On peut penser que la découverte de l'ADN et des mécanismes associés est elle-même une confirmation de la théorie (ou au moins une extension de la théorie qui a permit d'obtenir encore de nombreuses confirmations supplémentaires).

Un autre type de situation convaincante correspond au cas où une théorie continue de prédire correctement les phénomènes quand on augmente la précision des mesures de plusieurs ordres de grandeur. Difficile d'affirmer, alors, que la théorie ne faisait que synthétiser les observations existantes. On peut illustrer cette situation par exemple avec les raies spectrales, c'est à dire les fréquences lumineuses émises ou absorbées par les différents composées (ce qui explique notamment que ces composés aient telle ou telle couleur apparente). Ces fréquences précises sont prédites par nos théories de la structure des atomes et des molécules, et ont toujours été mesurées avec la même justesse bien qu'on ait considérablement multiplié la précision de nos appareils de mesure.

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Pour finir, au delà de cet aspect purement prédictif, il existe un autre type d'intuition qui peut nous amener à être réaliste, qui est que l'existence des entités postulées par nos théories est attestée de multiples façons distinctes. C'est le cas par exemple quand nous sommes capable de manipuler ces entités de diverses manières. Nous pouvons séquencer de l'ADN, et même en obtenir une image au microscope électronique ! Bien sûr c'est une observation indirecte qui repose elle-même sur des théories physiques, mais tout de même : étant donné cette corroboration par de multiples accès divers et variés, peut-on encore raisonnablement douter de son existence, et de l'existence des différents processus associés ? La même question peut se poser à propos des électrons, dont on vérifie les propriétés de multiples façons différentes.

Ces différents éléments, les nouvelles prédictions des théories, l'augmentation de la précision des mesures et la corroboration par différents accès, peuvent nous laisser penser que les théories scientifiques dévoilent des aspects importants de la constitution de la réalité. Il s'en faudrait d'un miracle que ces nouvelles prédictions se vérifient ou que nos diverses manipulations soient possibles si nos théories ne décrivaient pas correctement la réalité.

Saint Pierre tentant de marcher sur les eaux by François Boucher
Le principal argument pour le réalisme est donc qu'il s'agit de la meilleure explication au succès des sciences : l'anti-réaliste, lui, ne nous fournit aucune explication. On est obligé de croire à un miracle.

Pourquoi ne pas être réaliste ?

Que répondre à ça ?

La principale inquiétude de l'anti-réaliste, c'est la prétention illégitime du réaliste à accéder à une réalité qui transcende les seules données de l'expérience. Il pourra alors affirmer qu'aucune explication n'est requise pour le succès de la science, et que le fait de fournir une telle explication n'est pas un critère légitime : pourquoi faudrait-il qu'il y ait une explication ? Pourquoi le monde devrait-il être explicable ? Peut-être que la question ne se pose pas en ces termes et que le réalisme est mal fondé.

Puis il pourra affirmer que l'argument ne tient pas, puisque plusieurs théories physiques différentes peuvent rendre compte aussi bien des mêmes phénomènes. Il peut exister de multiples théories, plus ou moins farfelues, qui font les mêmes prédictions (y compris les prédictions nouvelles). Nous retenons généralement celles qui constituent la meilleure explication, la plus simple, mais encore une fois, il n'y a aucune raison de penser a priori que le monde est explicable.

Cette ligne d'argumentation peut s'appuyer sur le holisme de la confirmation (dont nous avions déjà parlé) : les théories sont testées en bloc, et il existe toujours de multiples façons de les réviser face à une expérience contradictoire -- donc autant de théories alternatives qui sont aussi bien confirmées par l'expérience. On peut par exemple proposer des hypothèses ad-hoc pour sauver n'importe quelle théorie. Donc rien n'exclue en principe que plusieurs théories soient équivalentes sur le plan empirique, qu'elles fassent les mêmes prédictions, mais postulent des entités différentes. On parle alors de sous-détermination des théories par l'expérience : les observations ne sont pas suffisante pour déterminer quelle théorie est vraie.

Il est possible de fabriquer artificiellement des exemples qui illustre cette possibilité. Par exemple, Poincaré observait que des habitants en deux dimensions placés sur un disque chauffé en son centre, qui se dilate sous l'effet de la chaleur, pourraient très bien adopter une géométrie différente, c'est à dire postuler qu'ils vivent dans un espace "courbe" comme celui de la relativité plutôt que sur un disque chauffé.

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L'argument peut sembler un peu théorique ou artificiel : généralement on n'observe pas de tels cas de concurrence entre théories équivalentes dans l'histoire des sciences. Les scientifiques parviennent à se mettre assez facilement d'accord sur les hypothèses à retenir et celles à rejeter. Ils utilisent pour cela un certain nombre de critères pragmatiques ou méthodologiques : par exemple, ils choisirons la théorie la plus simple (c'est le fameux principe du "rasoir d'Occam"), ou celle qui demande le moins de révision par rapport aux théories acceptées. Mais, peut-on se demander, quel est le rapport entre ces critères pragmatiques et la vérité ? Pourquoi, par exemple, la réalité serait-elle simple ?

Il existe plusieurs manières de répondre.

D'abord en remarquant que la sous-détermination peut n'être que temporaire ou locale : il peut être possible de départager des théories apparemment équivalentes en imaginant de nouvelles expériences. Il faudrait adopter une vision plus globale pour lever la sous-détermination (les habitants d'un disque chauffé observerons des variations de dilatation suivant les matériaux par exemple, comme l'observe Reichenbach).

Ensuite on peut faire valoir que si les critères pragmatiques ne correspondent pas directement à la vérité, ils n'en sont pas pour autant irrationnels : on peut les concevoir comme des critères stratégiques permettant de s'approcher plus rapidement de la vérité. Par exemple une théorie simple est plus facilement réfutable qu'une théorie complexe possédant de nombreux paramètres ajustables, et donc elle est "mieux" confrontée à la réalité. La simplicité est donc une vertu pour atteindre la vérité.

Enfin on peut concevoir que ces critères ont fait leurs preuves par le passé (les recherches d'explication se sont avérée fructueuses pour unifier plusieurs théories par exemple), et donc qu'ils sont eux-aussi, en quelque sorte, vérifiés par l'expérience, seulement de manière moins directe. L'empiriste ne devrait pas rejeter ces critères, mais au contraire les intégrer dans sa représentation du monde.

Conclusion : quelques problèmes résiduels

Nous avons vu que le succès prédictif des sciences semble pousser nos intuitions vers le réalisme scientifique : nos théories dévoilent des aspects intéressants de la constitution de la réalité. Certes, on ne peut exclure que plusieurs théories distinctes rendent aussi bien compte des phénomènes, mais cette sous-détermination n'est peut-être pas un argument fatal pour autant qu'on parvienne à justifier nos choix théoriques et pragmatiques, et on peut penser qu'elle n'est pas vraiment soutenue par des exemples historiques.

Cependant il reste quelques cas de sous-détermination assez gênants pour le réaliste, qui méritent plus ample réflexion.

D'abord il y a les situations où plusieurs interprétations d'une même théorie sont possibles. C'est le cas, par exemple, en physique quantique : il n'existe pas de réel consensus sur la meilleure façon d'interpréter certains aspects de cette théorie (en postulant des mondes parallèles ou un effondrement de la fonction d'onde, en postulant que les particules sont des individus ou des états d'excitation d'un champs, ...). Ici le problème semble plus sérieux, puisqu'aucune interprétation réaliste de la mécanique quantique n'est entièrement satisfaisante, puisqu'elles impliquant toutes soit des hypothèses ad-hoc, soit des éléments par nature invérifiables. Face à ce problème, certains ont pu être tentés de se reporter sur des interprétations anti-réalistes voire idéalistes, par exemple en faisant intervenir l'observateur dans la théorie. Peut-on se contenter de rester agnostique vis-à-vis de ces cas spécifiques ? Peut-être mais il n'est plus clair alors qu'on se soit vraiment mis d'accord sur ce qui existe réellement.

Un autre type de situation est, lui, largement illustré par l'histoire des sciences : il s'agit des successions de théories lors des révolutions scientifiques. La nouvelle théorie rend généralement mieux compte des phénomènes. Mais ne devrait-on pas croire que nos théories actuelles seront elles-aussi remplacées par de nouvelles théories ? Pourquoi, alors, devrait-on être réalistes à leur égard ?

Ce problème complexe mérite un article dédié. Nous y reviendrons donc prochainement.

4 commentaires:

  1. Merci pour l'article instructif et très lisible. Ces thèmes m'enthousiasment, je me permets une envolée personnelle.

    Le vrai est relatif.

    Il n'y a pas de vrai en soi : seul quelque propriété peut être dite vraie à propos de quelque objet. Le réel est, c'est tout. Pour avoir du vrai (ou du faux), il faut de la pensée, il faut un sujet qui s'exprime relativement à un objet.

    Un autre forme de vie que la nôtre, sur un astre lointain, en évoluant à notre instar, évidemment avec des centres d'intérêts différents, produira nécessairement une explication différente de ce qui est le /même monde/ que nous, avec une autre mathématique, une autre idée de la science, avec des constantes différentes, des lois différentes... A quoi ressemblerait-donc leur électron ? L'auraient-ils seulement postulé ? Ou bien seraient-ils parti ailleurs en pensée, tout à fait ailleurs ?

    Autre chose, en ce qui concerne l'appellation de "réalisme" pour un courant de pensée, je relève sans forcer le trait que le réalisme est par analogie formelle un idéalisme parmi d'autres, fait qui incidemment empêche de qualifier ses contradicteurs autrement que de "non-réalistes", puisque le contraire naturel est "déjà occupé ailleurs". Je piaffe toujours quand la philosophie amène des termes opposés à se qualifier l'un l'autre... D'ailleurs, cette dérive sémantique m'amène tout naturellement à l', ô combien typique et célèbre, "objectivité de la science", science qui est tout comme ici le réalisme ou le vrai son socle, une subjectivité, mais que l'on nomme fort judicieusement d'ailleurs, de son contraire. Pour être sémantiquement correct, il faudrait dire que la science est une "subjectivité que l'on qualifie d'objective", en spécifiant qu'ici ces deux termes n'ont pas le même référentiel de sens, imprécision qui génère un (pseudo) paradoxe quand on est conscient de la contradiction, et sinon pire une désappropriation du sens légitime d'un terme. Mais, qu'est ce que peut bien être l'objectivité dans ce cas ?

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    1. Merci pour votre commentaire. En effet le vrai est une propriété qui a avoir avec le rapport de nos représentations au réel(et non une propriété du réel lui-même). Imaginer d'autres formes de vies et se demander si elles arriveraient aux mêmes représentations est en effet une bonne façon d'aborder la question du réalisme. Cependant la façon dont vous le dépeignez ensuite (les réalistes seraient des idéalistes qui s'ignorent ?) serait simplement niée par les réalistes! J'aurais tendance à dire qu'en la matière, c'est votre parole contre la leur...

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    2. Oh, concernant les réalistes je ne vais pas aussi loin que vous le suggérez, je n'ai pas été très clair. Je ne parlais pas des gens, de leur pensée (qui est mienne aussi par ailleurs), mais de l'efficacité de la communication, en l'occurrence du problème de la polysémie glissante des termes employés en philosophie, particulièrement la plus élevée, qui vient fondamentalement perturber son appropriation par quiconque le voudrait sincèrement. Je ne parle pas de complexité. Je parle de codages contradictoires et insouciants les uns des autres.

      "Un réaliste est un idéaliste", signifiait ici pour moi que son idéalisme (idéelisme si l'on veut compliquer en voulant clarifier) se nomme réalisme, ce qui n'est un paradoxe que d'apparence puisque les deux termes sont à comprendre sur des plans distincts. Tout commentaire de la philosophie risque ce genre de malentendu.

      La philosophie n'est pas cohérente comme l'est n'importe quelle science donnée, que ce soit en elle-même ou avec les autres sciences (du moins tant qu'elle ne se targue pas d'idéologie sous couvert d'expertise) ; elle se fonde sur des créations et/ou dérives de sens qui font d'elle une discipline impénétrable, non parce qu'elle est compliquée en soi, mais qu'elle l'est comme à plaisir, d'autant plus désormais qu'elle a renoncé à chercher un système de mise en perspective, qu'en niant sa possibilité elle s'est sciemment coupée du réel, sa première et véritable maison.

      Pour elle, par exemple, la raison s'oppose à la déraison. Mais qu'en est-il alors de "La Pensée", concept explicitement distinct de celui de "Raison" postulé par Nietzsche ou Heidegger sous ce terme ? De la folie, donc poubelle ? Et quand je regarde les définitions : "Toute connaissance est subjective ?", que conclure d'autre, comme je l'ai fait avant, que l'objectivité de la science est d'abord une subjectivité (sans le moins du monde dénier la qualité descriptive qu'indique le terme d'objectivité mal choisi) ? Mais pourquoi la subjectivité porte-t-elle la marque péjorative liée aux sens ? De quoi parle-t-on ?, n'est-ce pas de l'épistémologie élémentaire que de ne pas laisser "trainer" ce genre d’approximation ?

      Ainsi, quand je lis ici où là en philosophie l'expression d'un "relativisme absolu" (l'Idée selon Hegel), ou d'un Immanent qui serait Transcendant (B. Latour), alors que les repères de philo en terminale les mentionnent comme des opposés, je me mets à douter : on me dit sans ciller qu'un blanc est noir, ça coince, les fameux repères, supposés déclencher des vocations, explosent en vol. C'est la dérive poussée à son maximum, comme dans le célèbre aphorisme positiviste que je préfère croire sarcastique tant il est lucide sur son inanité, à condition bien évidemment de le citer en entier : "Tout est relatif, sauf cette affirmation".

      C'est une histoire de contenant et de contenu. La beauté et la grandeur des contenus de la philosophie sont indubitables, mais, métaphoriquement, le contenant philosophique n’est autre qu'une gigantesque et sublime écurie d'Augias, qui n'a pas encore remarqué son Ulysse législateur, qui poireaute dans l’entrée depuis des millénaires : Aristote lu d’une certaine façon, presque au-delà de lui-même.

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  2. Merci pour ces réflexions...Parfois je m’interroge. En dépassant peut-être Jean Piaget mais à partir de lui, ne suis-je pas la réalité que je perçois ? L'enfant confondu d'abord avec le monde finit (dans sa tête) par le dimensionner (dans sa tête) et par affirmer que deux lignes droites qu'il "est" puisqu'il "est" la perception, sont parallèles...!

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